Projet de loi 52

 

Loi concernant les soins de fin de vie

 

MÉMOIRE

 

Coalition des médecins pour la justice sociale

 

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AUDITION PUBLIQUE : 24 septembre 2013

 

L’euthanasie est-elle la solution finale pour les patients dans un système médical sous-performant?

 

L’Assemblée Nationale du Québec invite un débat sur la loi 52 qui propose des mécanismes aux fins de reconnaître l’euthanasie ou «l’aide médicale au décès» pour les patients porteurs d’une maladie sévère et incurable associée à une détérioration importante et irréversible de leur condition médicale.


Les exigences additionnelles incluent les éléments suivants: (1) une souffrance physique ou psychologique ne pouvant pas être soulagée à un niveau tolérable; (2) la demande du patient doit s’exercer librement, après avoir reçu de l’information adéquate, et doit être exprimée de manière continue sans pression extérieure; (4) le patient doit être informé sur le pronostic de sa condition; et (5) finalement, la procédure doit recevoir l’aval de deux médecins examinateurs.


Cette législation soulève treize questions importantes.

 

1- L’euthanasie a-t-elle sa place dans la pratique médicale moderne?

 

Depuis 2500 ans, les médecins ont exercé leur profession en prêtant le serment d’Hippocrate qui vise à éviter de provoquer la mort intentionnelle chez les patients. Les chartes canadienne et québécoise des droits fondamentaux protègent la vie et la sécurité des citoyens. La Loi sur la Santé et les Services sociaux ainsi que le Code de déontologie du Collège des Médecins du Québec ont protégé jusqu’à ce jour les patients contre l’euthanasie. Cependant, la loi proposée par le législateur québécois ferait en sorte d’amoindrir substantiellement cette protection. Nous devons nous interroger sur les motivations du gouvernement pour changer la loi et modifier les balises du code d’éthique des médecins. L’objectif véritable est-il d’aider le patient en fin de vie ou de protéger le gouvernement et le corps médical contre des poursuites en raison de négligence dans leur responsabilité d’assurer des soins de qualité et des soins fournis en toute sécurité pour les patients privés de soins palliatifs? Un patient décédé, qui a signé une déclaration autorisant le médecin à l’euthanasier, ne risque pas de poursuivre le gouvernement ou les médecins pour des soins inadéquats.

À l’heure actuelle,  la très vaste majorité des médecins à travers le monde s’oppose à l’euthanasie. L’Association Médicale Mondiale (AMM), qui représente 9 millions de médecins, condamne cette pratique. L’AMM a demandé aux médecins pratiquant dans les pays qui ont approuvé une législation légalisant l’euthanasie, de refuser de collaborer à cette intervention. Dans une prise de position ne laissant aucun doute, adoptée par la 53e assemblée générale de l’AMM à Washington en octobre 2002 et réaffirmée avec une révision mineure par la 194e session du conseil à Bali en Indonésie en avril 2013, l’AMM déclare ce qui suit : “L’euthanasie, c’est-à-dire le fait de mettre fin à la vie d’un patient par un acte délibéré, même à sa demande ou à celle de ses proches, est contraire à l’éthique. Cela n’empêche pas le médecin de respecter la volonté du patient de laisser le processus naturel de la mort suivre son cours dans la phase terminale de la maladie.”

 

La prise de position de l’AMM sur le suicide médicalement assisté, adoptée par la 44e Assemblée Médicale Mondiale, à Marbella, Espagne, en septembre 1992 et révisée sur le plan rédactionnel par la 170e Session du Conseil de l’AMM, à Divonne-les-Bains, France, en mai 2005, abonde dans le même sens: “Le suicide médicalement assisté est, comme l’euthanasie, contraire à l’éthique et doit être condamné par la profession médicale. Le médecin qui, de manière intentionnelle et délibérée, aide un individu à mettre fin à sa propre vie, agit contrairement à l’éthique. Cependant, le droit de rejeter un traitement médical est un droit fondamental pour le patient et le médecin n’agit pas contrairement à l’éthique même si le respect de ce souhait entraîne la mort du patient.

 

L’AMM a noté que la pratique de l’euthanasie active avec l’assistance d’un médecin a fait l’objet d’une autorisation légale dans certains pays. Devant cet état de faits, l’AMM a adopté une résolution réaffirmant vigoureusement que l’euthanasie va à l’encontre des principes éthiques fondamentaux de la pratique médicale et elle encourage vivement toutes les associations médicales nationales et les médecins à refuser de participer à un acte d’euthanasie, même si la législation locale l’autorise ou la décriminalise dans certaines situations. (Résolution de l’AMM sur l’euthanasie site web: Association Médicale Mondiale). L’Association Médicale Canadienne, qui représente 77,000 membres à travers le Canada, s’oppose aussi à l’euthanasie et encourage le support aux soins palliatifs (Politique sur l’euthanasie et sur le suicide assisté, AMC 2007).

 

 

 

Le Collège des médecins de familles du Canada et le Collège des médecins du Québec affirment le droit fondamental de tous les citoyens à l’accès aux soins palliatifs par opposition à l’euthanasie (Collège des médecins de famille du Canada, édition consacrée aux soins de fin de vie, mars 2012).

 

 Une enquête récente de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs (CSPCP) a démontré que l’écrasante majorité des médecins  de cette association était opposée à la légalisation de l’euthanasie (88%). Quatre-vingt-dix pour cent des membres ont répondu qu’ils ne seraient pas disposés à participer à l’acte d’euthanasie.

 

Les sondages au Québec, qui demandent aux médecins s’ils appuient l’aide médicale à mourir sans préciser la différence entre les soins palliatifs (où le décès peut être provoqué non intentionnellement) ou l’euthanasie (où le décès est provoqué intentionnellement), créent une confusion qui invalide la conclusion supportant l’appui des médecins du Québec à l’euthanasie.

 

2- Les pays socialement évolués et modernes autorisent-ils le droit à l’euthanasie ou assistance médicale à mourir  pour ses citoyens?

Actuellement parmi les 196 pays au monde seulement 4 d’entre eux autorisent l’euthanasie ou assistance au suicide (Pays Bas, Belgique, Luxembourg, Suisse) et  2 états aux États-Unis. Récemment les lois permettant l’accès ont été rejetées (Ecosse 2010, Canada 2010, Israël 2011, Australie sud 2010, Cour européenne des droits de la personne (2011), France (2011) e Allemagne (2010), Australie-Tasmanie (2009), États-Unis (1997). Les états du Maine et New Hampshire les ont également rejetées.

 

3- Sommes-nous en train d’écrire une nouvelle charte des valeurs des médecins?

Nous avons déjà cité  la résolution de L’Association Médicale Mondiale (AMM), qui représente 9 000 000 de membres et dénonce l’euthanasie comme pratique médicale.

Par contre, dans leur mémoire la FMSQ (dans la mise en garde) dénonce les valeurs des Québécois qui vont à l’encontre de la position des spécialistes qui représentent      9 000 médecins. Elle reconnaît par contre dans ses sondages que la question de l’euthanasie relève d’abord de l’éthique, dans une proportion de 49 %, du droit (28 %), et  de la morale (24 %). (Mémoire FMSQ 17 sept.-13).

Dans son mémoire elle dénonce des Québécois et Québécoises qui, à cause de leurs croyances, ont une opinion qui va contre l’euthanasie. En fait, presque toutes les croyances mondiales s’opposent à l’euthanasie. Le serment d’Hippocrate, auquel la très vaste majorité des médecins adhère, va à l’encontre de l’euthanasie et ce serment est le fondement du code de déontologie de la pratique des médecins à travers le monde.

Je vous rappelle qu’avant le serment d’Hippocrate les personnes qui recherchaient des soins pouvaient être empoisonnées par un praticien de la médecine grec qui profitait de sa position pour s’enrichir personnellement. Après Hippocrate, les patients faisaient davantage confiance à leurs médecins, misant  sur la croyance qu’ils ne seraient pas tués intentionnellement par les médecins qui s’étaient engagés par le serment d’Hippocrate.

La médecine moderne nous permet de guérir souvent mais toujours de soulager. Il faut admettre que le coût de la médecine moderne est élevé. Mais la santé et la vie humaine sont aussi des biens précieux et on doit chercher à réduire les coûts du système de santé sans miser sur le décès prématuré des patients. L’éthique médicale est formelle : un médecin ne doit jamais provoquer intentionnellement la mort d’un patient.

 

4- Les soins palliatifs représentent-ils une alternative à l’euthanasie?

 

Plusieurs études ont montré que les soins palliatifs sont efficaces pour soulager les patients  en phase terminale. Cependant, il faut que les gouvernements accordent une priorité aux soins palliatifs en terme de médication et de support à des équipes de professionnels qui sont en mesure d’apporter une aide médicale, psychologique et sociale aux patients en phase terminale et à leur  famille. A l’heure actuelle, au Québec, seulement 20% des patients en phase terminale ont accès aux soins palliatifs. La majorité des patients affectés montrent donc une inquiétude bien légitime vis-à-vis la souffrance de la fin de leur vie. Si on offrait des soins palliatifs adéquats à ces patients, l’euthanasie deviendrait inutile. Même les patients porteurs de maladie neuro-dégénérative avancée sous ventilation assistée ne font pas de demande d’euthanasie (voir le cas de Dr Frank Humphrey sur vidéo et communiqué de presse juin 2013), comme en témoigne le docteur Ron Olivenstein, directeur médical de l’hôpital Thoracique de Montréal (voir vidéo et un témoignage écrit «Mourir avec dignité» le 13 octobre 2010). Le témoignage de la famille avec un père porteur d’un cancer métastatique en fin de vie démontre encore l’efficacité des soins palliatifs (voir témoignage et vidéo).

 

5- Ya-t-il des risques de dérapage?

 

En 2003 en Belgique,  l’adoption d’une loi autorisant l’euthanasie entraîna  235 décès par l’euthanasie. En 2012, ce nombre s’éleva à 1,432 décès. L’an passé, des jumeaux identiques physiquement actifs et âgés de 43 ans furent euthanasiés après avoir montré un trouble génétique provoquant une cécité progressive.  Un couple âgé fut euthanasié en Belgique à cause de « l’épuisement de vivre. » Lors d’une visite à Montréal, le docteur Tom Mortier a dénoncé la mort de sa mère par euthanasie à l’âge de 64 ans le 19 avril 2012 à cause d’un état dépressif, sans préavis à la famille, laissant en deuil et en choc deux enfants adultes et trois petits enfants. Actuellement, le sénat belge discute de la possibilité d’élargir l’accès à l’euthanasie aux mineurs souffrants et affectés par une maladie sévère. Au Pays-Bas, on a adopté, en 2005, le protocole Groningen, et cette loi permet l’euthanasie pour des nouveaux nés et jeunes enfants  qui seraient « sans espoir d’une bonne qualité de vie ». (35 BMJ, 2006).

 

6- Les balises assurent-elles une protection complète?

 

Il est clair que les balises sont déficientes. Plusieurs études démontrent que l’intervalle d’un mois pour répéter la demande pour des patients en phase non terminale (37 J Med Ethics 2009) n’est pas respecté. Les équipes de soins palliatifs ne sont pas obligatoires en Belgique (38-Health Psychology 2006).  En plus, les équipes de soins palliatifs ont été impliquées dans seulement 9% des cas en Belgique en 2007(39 BMJ 2008).

 

Une évaluation pratiquée lors d’une entrevue d’une durée de 30 à 60 minutes par un médecin suffit-elle pour assurer un examen en profondeur certifiant que l’euthanasie représente une option appropriée pour un patient en phase terminale? Une étude en Grande Bretagne rapporte que 63% des spécialistes en soins palliatifs ne croient pas qu’une simple consultation en soins palliatifs soit adéquate pour évaluer et valider les besoins d’un patient demandant l’euthanasie (42 2004). Le tiers des patients  euthanasiés en Belgique n’aurait  pas été en mesure de donner un consentement  libre et informé (J Médical Association Canada, 15 juin 2010). Toujours en Belgique, presque 50% des cas d’euthanasie n’ont pas été rapportés aux autorités (British Medical Journal, 5  octobre 2010). Aux Pays-Bas,  plusieurs patients n’ont pas été évalués par un deuxième médecin (BMJ, 24 septembre 2005). En Oregon, 20% de patients déprimés n’ont pas eu accès à une évaluation psychiatrique ou psychologique avant d’être euthanasiés (BMJ, 2 août 2008). Après une analyse de 57 articles dans Curent Oncology en 2011, le docteur Jose Pereira, directeur des soins palliatifs à l’université de l’Hôpital d’Ottawa, arrive à la conclusion que la sécurité des balises et des contrôles exigés dans l’euthanasie est illusoire.

 

7- Les médecins sont-ils capables de déterminer avec précision la durée de vie des patients avant leur décès?

 

Les modèles médicaux permettant de déterminer la durée de vie restante se montrent souvent imprécis et incapables d’assurer un pronostic raisonnablement fiable. Même nos modèles les plus connus utilisés pour prédire la mortalité chez les patients les plus malades en soins intensifs (Update 2013) ou atteints de cancer en phase terminale avec une durée de vie anticipée de moins de six mois n’atteignent pas une précision satisfaisante (Predicting life expectancy in patients with advanced incurable cancer: a review, Journal of Supportive Oncology June 2013).

Les modèles de calcul sophistiqués utilisés pour prédire la fin de vie dans les prochains six mois chez les patients porteurs de maladies chroniques telles l’insuffisance cardiaque ou une maladie pulmonaire chronique, montrent une précision de 50%, ce qui correspond à la performance prédictive obtenue en tirant une pièce de monnaie par le jeu de pile ou face  (Annals in Longterm care, février 2006). Chez les patients atteints de cancer, la précision est plus fiable. Mais lorsque l’on prend la décision de pratiquer l’euthanasie, la prédiction quand à la durée de vie restante atteint un niveau de 100%.

Le docteur Kenneth Stevens, radio-oncologue à Oregon Health and Science University à Portland Oregon, a présenté un Affidavit à la Cour Supérieure à Trois Rivières, Québec (2012) dans le cas de Mme Ginette Leblanc,  décédée récemment. Une de ses patientes, Mme Jeannette Hall, âgée dans la cinquantaine, a demandé au médecin de l’assister dans sa décision de mettre fin à ses jours il y 13 ans, vu qu’elle souffrait de  cancer, plutôt de se faire traiter. Heureusement pour elle, le médecin a refusé d’accéder à cette demande et Mme Hall a accepté le traitement pour son cancer. Aujourd’hui, Mme Hall est toujours vivante (affidavit de Dr. Stevens, 18 septembre 2012). Dans son affidavit, le docteur Stevens affirme que la loi autorisant l’aide au suicide favorise l’option de la mort plutôt que celle du traitement.

Il existe un risque réel de voir le gouvernement créer des obstacles au patient pour recevoir des traitements. C’est ainsi qu’en Oregon, le traitement doit pouvoir obtenir un taux de réussite de plus de 50% pendant  24 mois afin que le gouvernement défraie le coût des soins médicaux. Par contre, l’aide au suicide y est gratuite.

Si nous avons aboli la peine à mort pour éviter la mort d’innocents, est-ce que les personnes qui ont une diagnostic « de maladie grave et incurable » ne devraient pas bénéficier de la même compassion?

 

8- L’euthanasie est-elle une option libre et acceptable pour les patients en phase terminale?

 

Le système de santé au Québec manque de ressources financières et il vient de subir des compressions de l’ordre de 100 millions de dollars. De plus, des institutions sont forcées d’être plus performantes et de respecter leurs budgets déjà sous-financés pour économiser des dizaines de millions de dollars avec comme résultat des coupures inévitables dans les services de santé. Les conséquences sont les suivantes : deux millions de québécois n’ont pas de médecin de famille, le temps d’attente s’allonge dans  les salles d’urgence, les délais de traitement des patients stationnés  sur des civières dans les corridors des salles d’urgences deviennent inacceptables, les services de soins à domicile sont insuffisants pour répondre à la demande (rapport  récent du vérificateur général). De plus, les patients âgés dans  des résidences doivent demeurer souillés par l’urine ou les selles pendant des heures, et un certain nombre de personnes âgées  développeront des plaies de lit. Plusieurs d’entre elles souffrent de déshydratation et de malnutrition. Et lorsque ces patients entrent en phase terminale, ils n’ont pas accès aux soins palliatifs.

 

La survie des patients qui nécessitent des soins palliatifs ne dépasse généralement pas trois mois. Il faudrait s’interroger sur les avantages apportés par l’euthanasie sur la qualité des soins. Le gouvernement du Québec a-t-il l’intention de prioriser l’accès aux soins palliatifs? Si les patients en « fin de vie » n’ont pas accès aux soins palliatifs, peuvent-ils vraiment faire un choix libre et informé pour décider d’utiliser un cocktail létal pour mettre  fin à leur vie?  L’euthanasie représenterait-elle  la solution finale d’un système de santé déficient pour les patients « en fin de vie » ?

 

9- Est-ce que l’euthanasie est discriminatoire pour les handicapés?

 

Le projet de loi 52 s’applique à des personnes « en fin de vie » avec des souffrances physiques et psychiques. Les personnes handicapées ont un fardeau additionnel. Souvent en difficulté depuis leur naissance, ils sont aussi affectés par un manque de ressources dans un système socio-économique qui aggrave leurs souffrances. L’insuffisance de logements abordables, des déficiences nutritionnelles liées à des revenus inadéquats (souvent moins de $12,000 par année), un manque de ressources pour donner les traitements paramédicaux comme la physiothérapie, l’ergothérapie, le support psychologique sont des  exemples de tous les jours. Madame Lisa D’Amico, présidente de FAVEM, organisme voué à la défense des victimes d’erreurs médicales, décrit dans son rapport en annexe comment cette loi encourage les victimes à choisir l’euthanasie et la mort plutôt de subir une vie dépourvue de dignité comme celle offerte  au Québec aux citoyens défavorisés.

 

10- Est-ce que l’euthanasie est discriminatoire pour les patients souffrant de problèmes de santé mentale ?

 

Pour les mêmes raisons citées pour les patients physiquement handicapés, les patients avec des problèmes de santé mentale comme la dépression majeure manquent souvent des ressources financières et du support psychologique dont ils ont besoin. Le vérificateur général a dénoncé le manque de ressources pour les patients psychiatriques. Est-ce que ces patients seront capables de prendre une décision claire et libre face aux souffrances psychiatriques sans traitement adéquat dans un système déficient pour combler leurs besoins socio-économiques et médicaux? Est-ce que l’euthanasie n’est pas une façon pour un gouvernement déficitaire d’économiser de l’argent? Le docteur Farquhar décrit comment le système est discriminatoire pour les patients souffrants de troubles de santé mentale et discute des effets néfastes de la loi 52 pour la population psychiatrique (Annexe).

 

11- Est-ce que le fait d’économiser de l’argent dans les derniers mois de vie représente un préjudice pour des patients en fin de vie?


Selon la  Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, l’aide médicale à mourir ne pouvait constituer une manière alternative de pallier à un manque d’organisation et de ressources. (Mémoire FMOQ 17 sept.-13)

 


Est-ce que le fait que le gouvernement profite  avec des economies des millions de dollars chaque année en réduisant des services de santé par le biais de l’euthanasie met le gouvernement en conflit d’intérêt? Lors d’une discussion avec trois médecins sur la peine de mort aux États Unis les étapes étaient les suivantes (les coûts sont ajoutés pour raison de comparaison) : (1) Accès veineux utilisant 2.5 g de thiopental (n’existe plus sur le marché) ou une fiole de propofol de 50 cc pour 6.00 $; (2). Paralysie avec du pancuronium au coût de 5.75 $; (3) injections de potassium au coût de 1.30 $ (une fiole de 40 meq de KCl) (Mayo ClinicProceedings Jan 2008). Donc on peut estimer que le coût pour euthanasier un patient serait de l’ordre de 13 $ et le coût pour soigner un patient dans une unité des soins palliatifs dans un hôpital pendant un mois est de l’ordre de 13,500 $ (450 $ par jour), soit une différence de coût de l’ordre demille fois plus pour les soins palliatifs comparativement à l’euthanasie. Est-ce que les administrateurs et cadres des hôpitaux et CHSLD sont en conflit d’intérêt en rendant les roulements des lits plus efficaces par  un transfert  des patients les plus coûteux pour le système de santé aux « lits de l’euthanasie » plutôt qu’aux « lits de soins palliatifs? » Le système est-il « vicié » d’avance avec des bonis aux administrateurs et cadres pour une meilleure performance et rendement à la fin de l’année?

 

12- Est-ce que la vie humaine a une valeur intrinsèque?

 

La légalisation de l’euthanasie par la loi 52 entre en conflit avec la valeur intrinsèque de la vie humaine. Pire encore, nous ouvrons la porte de la mort aux patients en dépression chronique sévère et aux personnes épuisées par la vie, qui sont affectées de conditions potentiellement réversibles. Le docteur Tom Mortier qui a témoigné de la « pente glissante » prise par la Belgique face à l’euthanasie a déclaré ce qui suit le 13 septembre 2013 dans le journal Métro de Montréal : « En Belgique, nous avons dix ans d’avance sur le Québec en la matière. À l’origine, la loi qui encadrait l’euthanasie avait des balises semblables [à celles du projet de loi 52]. Un examen de ce qui se passe en Belgique actuellement offre une perspective de ce qui  peut survenir au Québec dans dix ans si la loi 52 voit le jour.»

 

Le gouvernement du Québec, avec l’approbation du Collège des médecins et la sanction du Barreau du Québec, est en train d’autoriser des médecins à commettre un acte illégal qui va nonseulement à l’encontre des règles de déontologie médicale, mais aussi du Code criminel. Pourquoi et comment sont-ils capables de détourner et contourner les lois?

 

Notre avocat, Me Dominique Talarico, va présenter les arguments légaux contre les dérives d’un système juridique et médical qui foulent du pied la valeur intrinsèque de la vie humaine de ses citoyens. Dans ses plaidoyers pour la défense des malades, il veut s’assurer que la loi 52 qui est à risque élevé d’entraîner des tragédies déplorables sur le plan humaine ne verra pas le jour.

         

 

13- Ya-t-il des limites dans l’exercice du libre choix et dans l’autonomie individuelle?

 

Les supporteurs de la loi sur l’euthanasie insistent sur le droit de l’être humain de déterminer son destin de « mourir dans la dignité. » Actuellement dans le système de santé, chaque citoyen a le droit de refuser, réduire ou cesser un traitement médical. Un patient a le droit de refuser d’être réanimé.

 

Les soins palliatifs avec une sédation appropriée peuvent soulager tous les cas de souffrances physiques. Le principal problème est le manque d’accès à une équipe spécialisée en soins palliatifs. Malheureusement, la loi 52 est en train de saboter le concept d’auto-détermination. Si le droit d’un citoyen affecte négativement le droit d’une autre personne, ce droit est illégitime. À titre d’exemple, un citoyen ne peut pas crier «Au feu! » dans un théâtre faisant salle comble sans faire courir un risque de blessures et de mort à ceux qui sont présents. Dans le même sens, le droit d’accéder à l’euthanasie crée des risques non négligeables tels que les décès chez ceux qui souffrent  de conditions potentiellement réversibles.

 

Nous pouvons utiliser un outil alternatif pour répondre aux besoins d’un patient à recevoir des soins préservant sa dignité : ce sont les soins palliatifs et la sédation palliative. Considérée sous cette perspective, le projet de loi 52 apparaît illogique  sur le plan légal et immoral sur le plan médical.

 

Par contre nous avons besoin d’une loi pour garantir l’accessibilité aux soins de qualité pour les soins à domicile et soins palliatifs. Nous devons aussi assurer à court terme une accessibilité pour tous nos concitoyens aux médecins de famille.

Nous devons  nous assurer que nos citoyens les plus vulnérables tels que les handicapés, les patients avec des maladies chroniques, les personnes âgées et les patients souffrant de troubles de santé mentale, jouissent de services et des revenus minimums pour vivre leurs jours dans la dignité. Ils devraient avoir accès à d’autres alternatives que celles de vivre dans la misère et la souffrance ou de mettre fin à leur vie par une injection létale concrétisant une économie financière substantielle pour le gouvernement.

 

Finalement une mise en garde pour des personnes qui sont catégorisées comme patients en phase terminale par erreur médicale ou par préjudice et qui peuvent vivre encore plus longtemps que la durée prévue. Est-ce que ces patients auront une deuxième chance à vivre après une injection létale? Quel est le recours légal pour les membres de leurs familles?

 

CONCLUSION

 

Ce mémoire présente une réflexion approfondie sur l’euthanasie. Nous avons présenté un tour d’horizon sur la position prise par les pays face à l’euthanasie. Il existe à l ‘échelle de la planète un consensus général refusant de considérer l’assistance au suicide comme un acte médical valide fondé sur le principe de la reconnaissance du droit à la vie de chaque être humain.

 

Il apparaît étrange qu’un état, qui choisit d’abolir la peine de mort dans le but ostensible d’éviter les erreurs judiciaires, et connaît par surcroit l’expectative de vie des personnes détenues à long terme, dont les coûts d’hébergement sont très élevés, puisse cautionner l’euthanasie active chez des patients dont l’espérance de vie se chiffre en semaines et pour qui les soins palliatifs représentent une alternative efficace et substantiellement moins onéreuse que les budgets des milieux carcéraux.

 

Winston Churchill écrivait : « L’homme a fait des progrès dans tous les domaines excepté sur lui-même». L’euthanasie active encadrée par une législation peut prendre l’allure d’un choix de société ouverte aux changements et audacieuse dans ses orientations. Dans la réalité quotidienne, la loi 52 illustre le manque de cohérence dans le discours du gouvernement et elle traduit un mépris de la vie humaine ainsi qu’une incapacité à protéger l’homme de lui-même.